MedicAfrik
02/06/2020
Danièle-Nicole : Monsieur Marc Mbieleu, vous êtes le fondateur de Medicafrik. Le nom de votre entreprise semble très évocateur car il renvoie l’idée d’un mot-valise composé des termes
médical et Afrique. Le choix de ce nom a-t-il été si évident ou est-il le fruit d’une longue réflexion ?
M.Mbieleu : Pour répondre à votre question, le nom de l’entreprise est le fruit d’une longue réflexion car l’idée était de trouver un nom qui évoquerait une solution globale pour une problématique propre à notre chère et beau continent qu’est l’Afrique; problématique qu’est la prise en charge sanitaire rapide de nos proches.
Pour quelle raison avez-vous choisi de vous lancer dans ce projet innovant? Est-ce par passion ou parce qu’il s’agit d’un secteur tourné a priori vers l’avenir ?
J’ai décidé de me lancer dans ce projet pour plusieurs raisons. Premièrement, la diaspora rencontre une certaine difficulté quand elle soutient financièrement les proches en Afrique, celle de la confiance dans l’utilisation des fonds envoyés pour des soins de santé.
Je m’explique : l’argent envoyé pour des soins de santé n’est pas toujours utilisé comme prévu car les proches préfèrent parfois des solutions autres que celles des hôpitaux classiques; ce qui dans certains cas tels que la prise en charge du diabète ou de l’hypertension, ne favorise pas la guérison. La deuxième raison est le système médical dans nos pays en terme de prise en charge. Dans mon pays qu’est le Cameroun, pour être pris en charge lors de votre admission dans la plupart des établissements de santé, il faudrait avancer les frais de santé dès votre arrivé, sinon, pas de prise en charge. Les experts médicaux sont tous d’accord qu’une bonne prise en charge réduit considérablement les risques de complications. On a vécu au Cameroun il y a quelques années, le cas de Monique Koumate, une dame enceinte qui est décédée à la suite d’un manque de prise en charge faute de moyens. Je préfère ne pas rentrer dans les détails, tellement c’est désolant. L’idée alors était de permettre à la diaspora d’assurer une rapide prise en charge des proches auprès des établissements de santé partenaires, tout en s’assurant que les fonds envoyés soient utilisés comme convenu.
Je suppose, Monsieur le fondateur, que ce projet représente vraiment une valeur sûre pour toute
l’Afrique. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées lors de son lancement et comment vous en êtes-vous sorti ?
Comme tout projet entrepreneurial, il y a des difficultés auxquelles j’ai dû faire face. La plus importante, demeure celle du système de paiement qui nous permettrait de faire en sorte que les fonds envoyés par un client soient reçus directement sur le compte mobile money de la clinique afin de faciliter une prise en charge instantanée. Ça nous a pris près de 9 mois pour trouver un partenaire qui propose cette solution. L’autre difficulté était celle de convaincre des établissements de santé d’adhérer à notre démarche et d’intégrer notre réseau; car dans ce marché de santé impliquant la diaspora, il y a des antécédents au Cameroun qui ont laissé un goût amer. Il fallait donc déjà briser cette barrière, en essayant de convaincre les établissements de santé que notre démarche était loin d’être celle de nos prédécesseurs dans ce type d’activité. Jusqu’aujourd’hui, nous y faisons face pour recruter de nouvelles cliniques.
Medicafrik est un service de prépaiement de fais de santé. Pouvez-vous expliquer la procédure pour
prépayer les frais de santé ?
La procédure est simple. Vous allez sur le site www.medicafrik.com, vous cliquez sur une clinique dont les soins offerts et la localisation cadrent avec votre demande, vous précisez le nom du bénéficiaire puis, vous faites le paiement. Il ne vous reste plus qu’à informer votre proche qui peut se rendre à l’établissement de santé muni de sa pièce d’identité afin de bénéficier des soins. À la demande du client et sans rompre le secret médical, ce dernier peut recevoir un compte rendu financier et médical afin de savoir quels sont les soins prodigués à son proche. S’il y a reliquat, un bon de santé est offert à votre proche.
Quels sont vos partenaires ou prestataires actuels ?
Concernant les partenaires, on a aujourd’hui 7 établissements de santé dispatchés entre Douala et Yaoundé ; je peux citer entre autres Sympadent à Douala, la Clinique FEB à Yaoundé ou encore la Clinique Edcoh à Douala. Nous avons aussi établi un partenariat avec BEE MotoTaxi, qui est une plateforme digitale de transport à moto à Douala et Yaoundé, qu’on recommande à nos clients afin que les proches l’utilisent afin de se rendre à l’établissement de santé quand leur état le permet.
Aujourd’hui, votre service de prépaiement se fait uniquement à destination du Cameroun. Dans
combien de villes et villages du Cameroun êtes-vous présents ? Avez-vous besoins de locaux ou d’autres moyens pour vous étendre davantage au Cameroun ?
Aujourd’hui nous sommes présents à Douala et Yaoundé pour un début; et nous espérons convaincre
encore plus d’établissements de santé de rejoindre notre réseau dans des villes comme Ebolowa,
Garoua ou encore Bafoussam et aussi dans des villages reculés. Concernant les locaux, non, on n’en a
pas vraiment besoin. Nous avons un Country Manager dont le rôle est le business development de
l’entreprise au Cameroun. Et très bientôt, nous lancerons une campagne de recrutement de Regional
voir District Manager afin de faciliter la signature du partenariat avec des établissements de santé
dans des zones reculés telles que le Grand Nord du Cameroun ou encore l’Ouest.
En cette période où sévit la pandémie de Covid-19, avez-vous mené des actions particulières au Cameroun ?
Le Covid-19 nous rappelle encore l’importance de la santé et encore plus d’une bonne et rapide prise en charge. Effectivement, nous avons pris des actions. La première est celle d’avoir réduit de moitié les frais de commission. Ils sont passés de de 10% à 5% .
Nous avons aussi, en partenariat avec Adinkra, une maison d’édition Camerounaise portée par la valeureuse Armelle TOUKO, mis à disposition auprès de notre audience, des planches en plusieurs langues (français, Anglais, Fufuldé…) produites par Adinkra, qui sensibilisent la population sur le Covid-19.
Considérez-vous que Medicafrik soit une initiative positive pour l’Afrique ? Dans quelles mesures peut-elle susciter des vocations ?
Sincèrement, oui sinon je ne m’y serais pas lancé (rires) ; car notre but est d’étendre ce projet à
d’autres pays tels que la Côte d’Ivoire, le Congo-Brazzaville où des difficultés similaires sont
observées. Elle pourrait susciter des vocations car elle ne résout qu’une infime partie des problèmes
rencontrés par l’Afrique. J’irai jusqu’à dire que j’espère que ça sera le cas et que d’autres personnes,
développeront encore plus de solutions, car, le potentiel en Afrique, on l’a ! Potentiel en termes de
compétences et de marché. J’invite ceux qui le veulent à se pencher par exemple sur la mise en
place d’un carnet de vaccination électronique pour l’Afrique ou encore un système de bons d’achat
auprès des pharmacies et laboratoires pour ne citer que ceux-là.
Que représentent pour vous et pour Medicafrik, les objectifs pour le développement solidaire en Afrique ?
Vous savez, je pense fermement qu’ensemble, on peut faire mieux. Chez nous, on dit: « une seule
main ne peut pas attacher un sac ». C’est la raison pour laquelle MedicAfrik s’attèle à collaborer
encore plus avec d’autres entités africaines afin de mettre nos efforts en commun, et d’aller encore
plus loin. C’est dans cette optique qu’un partenariat a été signé avec la plateforme de carnet de
santé électronique Ouicare. Au Cameroun, la mise en place est pour très bientôt et nous restons
ouvert, à toute collaboration qui favoriserait le développement solidaire en Afrique.
Monsieur Marc Mbieleu dites-moi, vous êtes un fondateur satisfait j’imagine. Quels sont vos futurs
challenges ? Vous étendre sur le reste de l’Afrique, je suppose !
Fondateur satisfait ? Non, car je pense qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir ; d’où effectivement, des défis futurs qui seraient comme vous l’avez évoqué, la mise en place de MedicAfrik dans d’autres pays africains car il va bien falloir prendre en compte le contexte qui n’est pas le même que celui du Cameroun. Nous espérons aussi une croissance de MedicAfrik et il faudrait qu’on fasse attention, à une hausse d’activités dont on pourrait être très vite submergé. Alors, il faudrait qu’on soit prêt à y faire face. Je tiens déjà à remercier tous nos clients qui croient en nous au quotidien ainsi que mon associé et Country Manager-Cameroun, Marcel Tchofach; sans oublier les établissements de santé qui nous accompagnent dans cette aventure; et j’invite tout établissement de santé souhaitant rejoindre notre réseau à nous contacter.